Près de mon humble résidence
Point ne verrez de parc majestueux
Des prodiges de l'art étaler la puissance,
De son propriétaire annoncer l'opulence
Et déployer un luxe somptueux,
Même alors que de la nature
Il veut avec effort imiter la parure.
Modeste est notre enclos, il coûta peu de frais ;
En quelques pas j'en peux faire la ronde,
Mais cet enclos pour nous est un vrai monde.
Dans son enceinte, au gré de nos souhaits,
Chaque jour toute chose abonde.
Voyez surtout, admirez ce verger !
Est-il rien de plus riche et de plus magnifique ?
En voûte prolongé, ce verdoyant portique
Vient m'accueillir, me protéger.
De toutes parts, aux rameaux suspendue
Des fruits l'abondante moisson
Flatte l'odorat et la vue.
En tapis gracieux, sous mes pas le gazon,
De verdure et de fleurs émaillé, se déploie.
En serpentant, coule gentil ruisseau ;
Dans les feuilles caché chante gentil oiseau ;
Tout respire une douce joie.
Combien j'aime à venir m'asseoir,
En rèvant, sous ce bel ombrage !
J'y viens dès le matin, et j'y reviens le soir.
Je bénis cette main toute-puissante et sage
Qui comble à chaque instant l'homme de ses bienfaits,
Qui mit si près de nous les plaisirs les plus vrais.
Ce lieu charmant me sert de cabinet d'étude ;
Dans sa paisible solitude,
Je goûte mieux le beau, le bon.
Un ami vient, c'est le salon
Où, pour lui faire honneur, je reçois sa visite.
Nous conversons en liberté.
Que mon frugal repas ici soit apporté !
Est-il plus beau festin ? ici tout nous invite
A l'appétit, à la gaîté.

Tel est le vrai bonheur qu'une vie innocente,
Au sein d'une famille aimante,
Prépare pour l'homme de bien.
Quel que soit son destin, dans une paix parfaite,
Riche d'affections, son âme est satisfaite.
Son cœur jouit, il ne lui manque rien.

Livre II, Fable 11




Commentaires