« — Ah ! je te tiens, bête enragée,
Et je vais donc être vengée ! » —
Ainsi parlait d'un ton peu rassurant,
Une fillette toute rose,
Qui tenait... mais vraiment je n'ose
Dire ce que tenait ainsi la belle enfant.
C'était un animal farouche et sanguinaire,
Un monstre avide et furieux ;
C'était - pardon, Madame ! — une Puce ! Il vaut mieux,
Sans faire ici plus de mystère,
Tout simplement dire l'affaire.
« — De grâce, épargnez-moi », disait en suppliant
L'insecte tremblant pour sa vie ;
« Votre cœur est si bon, votre esprit si charmant !
Aurez-vous l'âme si ravie
De mon trépas ? — Eh oui, vraiment !
— Ah ! par pitié, laissez-moi l'existence !
— Non, il me faut une vengeance !
Tu m'as trop bien mordu, méchante, cette nuit !
- Hélas ! mais c'est qu'en vous tout attire et séduit !
N'accusez que le Ciel et la grâce divine
Qu'il se plut à verser sur votre corps charmant ;
Je l'avoue, en voyant votre beauté si pure,
Malgré moi j'ai laissé ma bouche se poser
Sur cette main qui voudrait m'écraser.
Ce que vous appelez — morsure
Était la trace d'un baiser. »
La fillette sourit, et, détournant la tête,
Jeta sur son miroir des regards adoucis ;
L'insecte s'échappa de ses doigts indécis
Et prit la porte sans trompette.
Or, voici la moralité :
En vain, pour vous plaire, mesdames,
On loue en vous esprit, talents, vertu, bonté;
On ne touche vraiment vos âmes
Qu'en parlant de votre beauté.