Un Canard avait pris la funeste habitude
De commettre des calembours
D'une effroyable platitude :
Nous voyons cela tous les jours.
Chez les Canards, il faut le dire,
On n'a pas l'esprit bien subtil ;
Aussi l'autre en abusait-il,
Et, dans le monde volatil,
Dès qu'il ouvrait le bec, on se tordait de rire.
Le Sire avait d'ailleurs cet appétit glouton
Dont ses pareils ont l'apanage.
Un jour qu'il festinait, certain os de mouton
S'arrêta dans son œsophage j
On le vit alors, comme un fou,
Tournoyer, en battant de l'aile,
Sautant comme un polichinelle,
Roulant les yeux, tendant le cou ;
De la basse-cour tous les hôtes
L'admiraient, se tenant les côtes ;
On riait de plus en plus fort
Jusqu'à ce qu'on le vit tomber : il était mort !
La morale de cette histoire)
C'est que la blague est un jeu dangereux ;
Le jour où du plaisant on passe au sérieux,
Personne ne veut plus vous croire.