Dans les douceurs d'une paisible vie
L'âne vivait heureux, s'occupant tour à tour
De brouter ses chardons et de faire l'amour,
Lorsqu'un jour il lui prit envie
D'avoir tous les talents ; dès lors plus de repos,
Adieu plaisirs de la prairie ;
Aux autres animaux
Brûlant d'inspirer sa folie,
Il les convoque, et leur tient un discours,
Vrai discours de baudet, ampoulé verbiage ;
Mais, de sa voix bruyante empruntant le secours,
Il déclame à les rendre sourds,
Si bien que de la foule il obtient le suffrage.
De tels succès se sont vus de nos jours.
Dans leur docte délire,
Les animaux se hâtent de prescrire
Qu'aux autres chacun d'eux
Apprendra ce qu'il sait le mieux.
Ce règlement devait séduire ;
Car s'ils avaient tous à s'instruire,
Tous en revanche allaient donner leçon ;
Mais on l'interpréta d'une étrange façon.
Le baudet prétendit enseigner la vaillance,
Pour le chant le corbeau se crut de grands talents ;
La pie avait choisi la chaire d'éloquence ;
Le loup, celle du droit des gens.
Pour couronner une telle entreprise,
Le renard promettait des leçons de franchise ;
Le paon, de modestie ; et le goût, le bon ton,
Qui devait l'enseigner ? Devinez.... un oison.

Fable 1




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