Au fond de leur terrier, deux beaux petits lapins
Faisaient, à midi, la sieste.
Cette heure quelquefois aux lapins est funeste,
Quand ils sont visités par les furets malins.
Nos amis, en dormant, digéraient à merveille,
Lorsqu'un tout petit bruit, un léger mouvement
Tous deux en sursaut les réveille.
Chacun alors dresse l'oreille :
« Qui vive ? qui va là ? C'est le furet vraiment !
Ho ! hé ! sauve qui peut ! fuyons en diligence,
S'écrie un des dormeurs, de frayeur tout transi ;
Par le plus court chemin il faut sortir d'ici ;
Courons !... » Tout en parlant ainsi,
Il frappe du jarret, s'élance,
Et dans son souterrain court sans réflexion,
Sans examen et sans prudence,
Comme un pauvre lapin qui n'a plus sa raison.
Bientôt un rayon de lumière,
Par un trou du terrier pénétrant sous la terre,
Y jette une faible clarté.
La lumière, c'est l'espérance,
C'est le salut, la liberté !
Pas toujours ; mais enfin la peur et la souffrance
Aiment fort peu l'obscurité ;
C'est pourquoi mon lapin s'enfuit de ce côté.
Le voilà près de l'ouverture ;
Il croit pouvair sortir ; mais de perfides rets
Étaient tendus sur la verdure.
Il s'y jette, il est pris ; les chasseurs étaient près,
Et là finit son aventure.
Qu'avait fait cependant notre autre lapereau ?
A l'aspect du furet il s'était mis en garde :
« Voyons ! avait-il dit ; ma foi, je me hasarde !
Examinons ce monstre.... Oh ! oh !
Qu'a-t-il donc au bout du museau ?
Il n'ouvre point la gueule, et ses dents infernales
Semblent prises dans un étau.
Ainsi donc, entre nous les armes sont égales !
Parbleu ! nous allons voir : j'ai des grifses aussi !
Eh ! furet muselé, qu'on décampe d'ici ;
Bien vite, hors de cette cave,
>Ou..... Depuis que j'ai vu de près mon ennemi,
>Moi lapin, je me sens tout brave. »
En effet, à ces mots, des pieds et du jarret
Il en donne à maître furet,
Le bat, l'égratigne, le chasse,
Redouble en le voyant plier,
Le contraint à quitter la place,
Et reste maître du terrier.
Il ne manquait qu'une trompette
Pour sonner sa victoire, après ce grand combat ;
Ce fut vraiment un coup d'éclat
Digne d'être chanté par un meilleur poète.
Pour moi, qui vais toujours cherchant un sens moral
Dans le plus mince exploit du plus mince animal,
Je dirai : Qui sait voir en face
Le péril, est presque sauvé ;
Mais celui que le danger glace,
Qui s'étourdit, qui fuit sans avoir rien bravé,
Est sûr de tomber dans la nasse.