Au fond d'une vieille masure
Vivait en sournois un hibou,
Ne sortant de chez lui que par la nuit obscure,
Et passant la journée enfermé dans son trou.
D'un petit bois voisin la riante verdure
Offrait un doux asile aux oiseaux d'alentour,
Qui, du flambeau de la nature,
Par leur chant matinal saluaient le retour,
Et chantaient tout le long du jour.
Importuné de leur ramage,
Indigné d'être ainsi troublé dans son sommeil,
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Notre nocturne personnage
Osa montrer en plein soleil
Ses gros yeux clignotans, son sinistre visage,
Et perché sur le haut d'un mur,
Vint apostropher d'un ton dur
Les jolis hôtes du bocage :
« Messieurs, dit-il, y pensez-vous
De faire un tel bruit à cette heure ?
Qu'est-ce à dire ? A midi, les honnêtes hibous
Ne pourront reposer en paix dans leur demeure ?
Parce qu'il vous plaira chanter comme des sous ?
En vérité, que signifie
Une telle conduite, une semblable vie ?
Si vous chantiez pendant la nuit,
Votre musique pourrait plaire ;
Mais en plein jour, quand la lumière
Nous endort et nous éblouit !
C'est du désordre, du délire ;
C'est vouloir vous faire maudire,
Et vous méritez bien d'en recueillir le fruit !
Oui, vous perdrez la vue ; oui, j'ose vous prédire
Que vous n'y verrez plus quelque jour à minuit. »
Les oiseaux écoutaient : ils se mirent à rire ;
Et le hibou grognon s'enfuit
Se blottir, en grondant, au fond de son réduit.
C'est ainsi que souvent nous nous plaignons des hommes
Lorsqu'ils n'agissent pas en tous points comme nous ;
Et quand nous les traitons de fous,
Bien souvent c'est nous qui le sommes.