Une petite chenille
Était née, un beau matin,
Sur une antique charmille
Qui bordait le grand chemin.
C'était, du moins je le pense,
Vers le milieu du printemps.
Dans le lieu de sa naissance
Trouvant paix et subsistance,
Ma chenilles/strong> quelque temps
Vécut heureuse en silence ;
Le bruit des chars, des chevaux,
Éloignant de sa retraite
Ses ennemis, les oiseaux,
Lui garantissait repos
Et sécurité complète.
Mais voilà l'été brûlant
Qui vient dessécher la terre,
Et sur les chemins le vent
Soulève au loin la poussière.
Ma chenille, en son berceau,
Tout d'abord en fut couverte :
« Ah ! » dit-elle, « quel fléau !
Là-bas, dans la forêt verte,
>Cherchons un autre arbrisseau ; »
Et la voilà qui déserte :
Un fil s'attache au rameau,
La suspend et la balance,
Et puis le zéphir la lance
Sur une branche d'ormeau ;
Alors elle recommence,
D'un arbre à l'arbre voisin
Petit à petit s'avance,
Et s'éloigne du chemin.
Elle en était tout en joie,
Quand un gros oiseau malin
Vient pour en faire sa proie ;
Elle échappe à ce destin
En se laissant choir soudain.
« Allons nous cacher sous terre ;
Là, nous serons à l'abri
Des oiseaux, de la poussière,
Et de tout autre ennemi. »
Elle dit, et s'aventure
Dans la petite ouverture
D'un trou d'un taupe-grillon :
Cet animal n'est pas bon ;
À l'aspect de l'étrangère,
Il accourt tout en colère,
Et fait mine, avec sa serre,
De l'étrangler sans façon.
« Ah ! dit alors ma chenille,
Retournons à la charmille :
Hélas ! vouloir être exempt
De tous maux, c'est un délire ;
Et pour fuir un mal, souvent
On court en chercher un pire. »

Livre I, fable 8




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