Le Rossignol et le Berger Léon Halévy (1802 - 1883)

Favori des neuf sœurs, toi qui te plains sans cesse
Que mille insectes bourdonnants
Assiègent nuit et jour les rives du Permesse,
Et viennent enchaîner ta poétique ivresse
Par leurs concerts assourdissants ;
Je veux te répéter un mot plein de sagesse
Que dit au rossignol un habitant des champs.

C’était le soir, sur toute la nature
Régnait ce calme heureux qui suit un jour d’été ;
Le zéphyr se jouait sous la fraîche verdure,
Et la lune éclairait le vallon argenté.
Un berger retournait à son humble chaumière ;
Il vit le rossignol, hôte aimable des bois,
Qui se taisait pensif et solitaire,
Comme s’il eut perdu sa douce voix.
Rossignol, lui dit-il, quel est donc ce silence ?
Chante, la nuit est belle, et ton règne commence.

— Que m’importe à présent la beauté de la nuit ?
Répond l’oiseau, ma voix reste glacée.
Les grenouilles font tant de bruit,
Que de chanter je n’ai plus la pensée.
Leur horrible ramage en tout lieu me poursuit ;
Il trouble sans pitié l’asile où je repose.
Mais, écoute, berger... entends-tu leurs accents ?
Le berger répondit: Eh ! oui, je les entends,
Mais ton silence en est la cause.



Fable imitée de Lessing

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