La Lampe et le Flambeau Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

La nuit sur la nature
 Avait jeté son voile noir ;
Les étoiles, au ciel, se laissaient un peu voir
 À travers la sombre tenture,
 Mais c’était tout, et tout semblait
 Bien endormi dans les ténèbres.

— Je vais les dissiper, moi, ces ombres funèbres !
 Dit une lampe qui tremblait
 Au bout de sa chaîne de cuivre,
 À son compère le flambeau ; —
 Et puis, se hâtant de poursuivre :

 — On se croirait dans un tombeau,
 Dit-elle, à quatre pieds sous terre…
 Dispensons nos bienfaits
 Aux mortels stupéfaits,
 Et de la nuit débrouillons le mystère !

À ces mots, elle perce un peu l’obscurité :

— Vois donc comme je brille avec sécurité,
Et comme à chaque objet je redonne sa forme !
Reprend-elle aussitôt.

 Et le flambeau lui dit :

— Ton éclat est superbe et ma force est énorme :
 Tous deux, sans contredit,
 Nous suffisons pour éclairer le monde.
Vois comme de mes feux, à cette heure, j’inonde
 La nuit
 Qui fuit !

— Oui, nous faisons pâlir, en effet, les étoiles.

— Nous enlevons aux cieux, vois donc, leurs sombres voiles.

— Les rochers, les forêts, la verdure, les fleurs
Sous nos rayons ardents reprennent leurs couleurs.

— Et l’oiseau nous salue et l’orient se dore !

— Et le monde s’éveille et le ciel se colore !
. . . . . . . . . . . . .
 C’était le soleil levant !…

 Poursuivant sa carrière,
Il noyait l’univers dans ses flots de lumière ;
 Et le flambeau mouvant
 Et la lampe, sa compagne,
Croyaient que c’étaient eux qui répandaient ainsi,
Dans le ciel et sur la campagne,
Cette douce clarté qui les noyait aussi.

Vos systèmes menteurs pensent de la nature,
Ô philosophes vains, éclairer les secrets,
Voyez-les donc pâlir quand la Foi, l’Écriture
Proclament leurs décrets !

Livre I, fable 7




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