Le Lustre et la Lampe Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Auprès d'une Lampe enfumée,
Un Lustre fort brillant, mais tant soit peu brutal,
Faisant sonner ses boules de cristal,
Etalait son éclat, vantait sa renommée.

Va-t'en ; tu me fais mal au cœur,
Dit-il à notre humble veilleuse :
Comment oses-tu, malheureuse,
Paraître aux pieds de ma grandeur ?
Vois-tu jaillir mes étincelles ?
On attache mes diamants
Aux lambris fastueux des belles ;
Et chacun de mes mouvements
Semble surprendre, au-dessus d'elles,
Des feux et des astres mouvants.
Parmi les guirlandes de Flore
J'orne les fêtes des amans :
Je préside aux enchantements.
De Comus ou de Terpsicore,
Et trompe la marche du temps.
La Lampe lui répond : après tant de merveilles,
Quels titres vous citer ! vous seul les avez tous :
Je n'ai jamais brillé pour vos aimables fous ;
Mais j'éclairai les doctes veilles
Des Racines et des Corneilles :
On donne un bal, sans moi ; le Cid s'est fait sans vous.

Livre III, fable 3




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