Un vieux célibataire —
Cela se voit encor —
N’essayait plus de taire
Qu’il possédait de l’or,
Car, sa longue existence
Allant se consommer,
Il fallait bien nommer,
Sans plus de résistance,
Un légal héritier.
Or, la sollicitude
Bien plus que d’habitude
L’entoura tout entier.
Cela se comprend vite :
L’or, hélas ! nous invite
Mieux que la charité !
Une fatalité,
Ou bien l’inadvertance,
Fit qu’en la circonstance
Notre homme recherché
Tomba tête première
Au fond d’une rivière ;
Mais il fut repêché
Avant de rendre l’âme.
Il eut juste un moment
Pour faire testament ;
C’était dans le programme.
On crut que sa faveur,
On crut que sa fortune.
Puisqu’il en avait une,
Seraient pour son sauveur :
Il n’en fut pas de même,
Il ne lui légua rien.
Il donna tout son bien,
Par volonté suprême,
À quelqu’un, fin matois,
Qu’il avait autrefois
D’un péril fort minime
Délivré par orgueil,
Et qu’il nommait une victime
Finement volée au cercueil.
La vanité voilà le fond de ta nature,
Pauvre être humain !
Tu vantes aujourd’hui ta bonté, ta droiture,
La vanité te rend ingrat demain.