Le Testament du vieux Célibataire Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

 Un vieux célibataire —
 Cela se voit encor —
 N’essayait plus de taire
 Qu’il possédait de l’or,
 Car, sa longue existence
 Allant se consommer,
 Il fallait bien nommer,
 Sans plus de résistance,
 Un légal héritier.

 Or, la sollicitude
 Bien plus que d’habitude
 L’entoura tout entier.
 Cela se comprend vite :
 L’or, hélas ! nous invite
 Mieux que la charité !

 Une fatalité,
 Ou bien l’inadvertance,
 Fit qu’en la circonstance
 Notre homme recherché
 Tomba tête première
 Au fond d’une rivière ;
 Mais il fut repêché
 Avant de rendre l’âme.
 Il eut juste un moment
 Pour faire testament ;
 C’était dans le programme.

 On crut que sa faveur,
 On crut que sa fortune.
 Puisqu’il en avait une,
 Seraient pour son sauveur :
 Il n’en fut pas de même,
 Il ne lui légua rien.

 Il donna tout son bien,
 Par volonté suprême,
 À quelqu’un, fin matois,
 Qu’il avait autrefois
 D’un péril fort minime
 Délivré par orgueil,
 Et qu’il nommait une victime
 Finement volée au cercueil.

La vanité voilà le fond de ta nature,
 Pauvre être humain !
 Tu vantes aujourd’hui ta bonté, ta droiture,
 La vanité te rend ingrat demain.

Livre IV, fable 7




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