Dans la forêt, un jour, un poète flûtiste
S’enfonça pour herboriser.
Il était donc de plus, un peu naturaliste,
Me direz-vous ? C’est vrai. L’on voit s’harmoniser
Les beaux-arts avec la science ;
L’esprit qui voit un peu veut davantage voir ;
Et plus l’homme est puissant plus il a conscience
D’un suprême pouvoir.
Donc un flûtiste, un jour, un flûtiste poète,
Un peu naturaliste aussi, je le répète,
Cherchait, dans les grands bois,
Des mousses, des fougères,
De ces fleurs qui parfois
Vêtent des robes étrangères.
Il tomba soudain dans un trou
Plein de feuilles, de branches mortes
Et d’ossements de toutes sortes.
C’était le lit d’un carcajou.
Le fauve s’élance et s’accroche,
Suivant sa façon,
Au rameau le plus proche
Pour se jeter de là sur le pauvre garçon.
Mais celui-ci prend aussitôt sa flûte
Et fait redire aux bois des chants mélodieux.
La bête dans son cœur sent une étrange lutte,
Puis le voile de sang qui recouvrait ses yeux
Petit à petit se déchire ;
Elle soupire,
Descend de l’arbre et vient comme pour implorer
Celui que tout à l’heure elle allait dévorer.
Les paroles de paix et la douceur de l’âme
Ont désarmé plus d’ennemis
Que la force brutale ou les discours de flamme
N’en ont jamais soumis.