La Fermière et son Fils Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

La neige au loin couvre la terre.
Une corbeille en main, sort Babet la fermière,
Qui, dans sa cour, trois fois fait entendre ses cris,

Qu'elle articule à sa manière::
« Venez petits, petits, petits, »
Et poules et poulets du fond de leur retraite
D’accourir, le coq à leur tète.
Un malheureux moineau , qui sur le bord des toits
Se tenait tout ‘transi, triste et faisant la boule,
Se hâte aussi de descendre à sa voix,
Et se glissant parmi la foule,
Il prend sa part du: menu grain
Que la fermière jette à poignée.. Une poule
Voit cet intrus d’un œil chagrin.
De tant-audace. Elle s'étonne
Et dans sa colère gloutonne,
A coups de bec elle éconduit
Le pauvre affamé qui s’enfuit.
— « Attends, attends, maudite bête,
Dit l'enfant de Babet, qui jouait dans la cour ;
Battre ainsi ce moineau! je ne sais qui m’arrête
Que je ne té chasse à mon. tour :
A tes moindres besoins quand ma mère qui veille,
Pour toi deux fois par jour vide ici sa corbeille,
Tu ne veux pas, méchante, assister d’un seul grain
Un pauvre oiseau qui meurt de faim
—Bien! Nicolas, reprit la mère ;
Que je j'embrasse, mon garçon !
Pour la faiblesse et la misère
Conserve ainsi toujours un cœur sensible et bon :
Quand tu succéderas aux travaux de ton père,
A tout ramasser dans ton champ
Garde-toi de montrer un soin trop diligent :
Laisse aux orphelins, à la veuve,
Quelques épis à râteler. »

Cette morale n'est pas neuve
Mais elle à bonne à rappeler.

Livre I, Fable 18, 1856




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