Une vigilante Fermière,
Veuve encore en âge de plaire,
Mais pauvre, et dont la basse-cour
Était tout le potose, y trouvait chaque jour
Mine à fouiller, trésors à prendre,
Comme vous pourriez dire, œufs frais,
Gras et friands petits poulets,
Qu'à la ville prochaine elle-même allait vendre.
Le produit servait aussitôt
Pour les besoins de la famille.
Quand elle avait payé ses maîtres, son impôt,
Vêtu de bure elle et sa Fille,
Il en restait peu pour le rôt,
Bien moins pour faire la gentille,
Se montrer au prône et briller,
Comme veuve à remarier ;
Mais moins encor pour l'Épervier.
L'Épervier cependant voulut sur sa volaille
Lever un droit. Tandis qu'auprès elle travaille,
Toute la basse-cour à la fois jette un cri :
Elle y court ; elle voit le rapide Corsaire
Saisir, enlèver dans sa serre
Poulet de choix, poulet chéri,
Le plus fort et le mieux nourri,
A vendre aussi le plus facile,
Qui le lendemain à la ville
Devait aller, devait y payer d'autres droits,
Ou sa mince part des octrois.
De ce rapt la pauvre Fermière
Gémit, pleure, se désespère.
Sa Fille accourt, fillette de dix ans,
Sous-Fermière déjà par ses soins diligents ;
Qu'on eût dite la sœur des poulets de sa mère,
Tant elle les aimait, et les noirs et les blancs ;
Donnant de jolis noms aux petits ; aux plus grands,
Aux cochets, aux jeunes poulettes,
Portant chaque jour dans sa main,
Pour les engraisser, des boulettes.
De pain bis, de lait et de grain.
Console-toi, Maman, dit la Petite :
J'avais suivi des yeux cet Épervier fripon :
Il emportait chez lui notre pauvre Mignon,
Quand j'ai vu de bien haut descendre, vite vite,
Et sur lui fondre un grand Faucon :
Le Voleur a voulu lui résister ; mais, bon !
Le Faucon dans sa patte a pris Mignon, ensuite
À grands coups de son bec a chassé le Larron,
Qui, tout honteux, a pris la fuite.
Ma chère Enfant, répond la Mère, hélas !
Que vois-tu là qui me console ?
Un brigand prend mon bien au brigand qui s'envole ;
Mais il ne me le rendra pas.