La Pie et le Rat Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Un antiquaire élevait une pie.
De cet oiseau sot, voleur et criard,
Je ne ferai jamais ma compagnie ;
Mais les savants, les hommes de génie,
Sont, on le sait, sujets pour la plupart
A quelque bizarre manie.
Par toute la maison Margot, soir et matin,
Pouvant aller, venir, circuler à sa guise,
A la cuisine, au cabinet admise,
Trouvait à contenter son penchant au larcin :
Tout pour la dame était de bonne prise
Puis, dans un grenier reculé,
Elle allait déposer ce qu'elle avait volé.
C'était un vrai bazar, un étrange musée,
Où pêle-mêle étaient épars
Le fermoir d'un vieux livre, une pipe cassée,
Nombre de médaillons au type des Césars,
Le chapelet d'Un moine, un fragment de l'épée
Qu'il brillait à Pharsale aux mains du grand Pompée,
(Je ne garantis pas le fait,
Mais l'étiquette le disait) ;
Une boucle de jarretière,
La tabatière du savant,
Les ciseaux de sa couturière
Et le hochet de son enfant.
Un soir, à son trésor Margot dans la mansarde
Venait joindre un étui, volé je ne sais où,
Quand un vieux rat, portant moustache à la hussarde,
Lui cria du bord de son trou ;
« Que veux-tu faire, ô sotte pie,
De tant d'objets divers assemblés par tes soins ?
En est-il un seul, je te prie,
Qui puisse tôt ou tard-servir à tes besoins?
Hier, dans ma cellule, en rongeant une page,
J'ai lu, dans un vieux manuscrit;.
Que garnir sa maison ou meubler son esprit
D'un fatras qui ne peut être d'aucun usage,
Est plutôt d'un fou que d'un sage. »

Cela dit, maître rat s'enfuit,
Par peur des coups de bec, au fond de son réduit.

Livre III, Fable 1, 1856




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