Le Cheval de louage Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Bien repu, bien épousseté,
Bien reposé depuis la veille,
Un cheval de louage, un beau matin d'été,
Sortait de l'écurie et trottait à merveille.
Son cavalier d'abord cherche à le retenir,
Mais il résiste au frein et veut toujours courir.
« Ma foi, dit celui-ci, pour peu que ce train dure,
J'embrasserai bientôt l'ami que je vais voir ;
Cours donc, brave cheval ! ma selle est un peu dure,
Mais j'en dormirai mieux dans un bon lit ce soir.
Hop ! l'air est frais ; ni vent, ni soleil, ni poussière !
Hop ! quel plaisir de voir les arbres du chemin
Accourir en dansant, puis s'enfuir par derrière,
Comme des farfadets qu'un rayon du malin
Fait envoler dans la clairière !
Hop ! hop ! mais quoi, déjà tu ralentis ton pas !
Je crois vraiment, maudite bête,
Que devant ce bouchon tu voudrais.... Oh ! non pas,
Une lieue est à peine faite,
En avant, en avant ! et gagne ton repas.
Ah ! tu veux en faire à ta tête !
J'ai de la tête aussi : tu marcheras, morbleu !
Sinon, je te fais voir beau jeu ! »
Mais, hélas! c'est en vain que notre homme se fâche,
Coups d'éperon ni de cravache
N'y font rien ; l'animal taquin
Finit par se coucher au milieu du chemin.
Et le voyageur rendu sage,
Tout froissé de sa chute et presque estropié , -
Laissant la triste rosse au plus prochain village,
Acheva son voyage à pied.

Que de gens pleins d'ardeur se mettent à l'ouvrage,
Qui bientôt épuisés s'arrêtent tout à coup !
Bien débuter sans doute est d'un heureux présagé,
Mais le point important, c'est d'aller jusqu'au bout.

Livre II, Fable 25, 1856




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