Le Lion, le Renard et l'Ours Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Le Lion, l'Ours et le Renard,
Chassant un jour de compagnie,
Firent ample capture ; et, la chasse finie :
« De chaque associé l'ours va faire la part,
Dit le lion ; je veux, connaissant sa prudence,
Qu'il y procède sans retard. »
Tout fier de cette préférence,
L'ours, d'un air magistral, dépèce les morceaux
Et du butin commun forme trois lots égaux.
Quand il eut terminé cette œuvre d'importance,
Il s'adresse au lion : « Seigneur,
J'ai rempli mon mandat avec toute justice,
Que Votre Majesté choisisse
L'une de ces trois parts. — D'honneur,
Ours, mon mignon, je crois que tu veux rire,
Dit le lion, dont l'œil s'allume de fureur.
Trois lots égaux ! Serait-ce à dire
Qu'un misérable tel que toi
Aurait les mêmes droits, la même part que moi?
Jamais ! » Disant ces mots le redoutable sire
Sur l'ours, qui fuit, en vain, se jette et le déchire.
Puis vers le renard se tournant :
« A toi de partager, lui dit-il, maintenant. »
Le renard, plus adroit, procédant d'autre sorte,
Des trois lots n'en fait qu'un et l'adjuge au lion :
« Souffrez, ajouta-t-il, seulement que j'emporte,
Pour ma part, ce brimborion,
Ce maigre lapereau, morceau qui, n'est pas digne
De vos royales dents, mais qui venant de vous
Sera pour moi, Seigneur, une faveur insigne :
Vos restes sont trop bons pour nous.
— Prends, ami, de grand cœur je t'en fais don, s'écrie
Le lion satisfait ; mais dis-moi, je te prie,
Qui t'a si bien appris à régler le butin ?
— De mon confrère l'ours c'est le triste destin. »

Quand à sa perte un sot se précipite,
L'homme prudent de la leçon profite.

Livre II, Fable 9 1856




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