Par les vallons et par les bois
Ln lion s'acharnait à poursuivre un chamois.
Enfin il Vil l'atteindre, et déjà, dans sa joie,
Promettant à sa panse un opulent festin,
De ses yeux dévorants il déchire sa proie ;
Rien ne peut la sauver; le succès est certain.
Mais, sur la route, un précipice
Ouvre devant leurs pas un trou vaste et profond.
Le chamois, comme un trait qui glisse.
Fend les airs, vole au gouffre, et le franchit d'un bond;
Puis, de son ennemi bravant enfin l'atteinte,
Sur le rocher d'en face il se poste sans crainte.
Le lion, interdit d'abord.
S'arrête. Un sien ami l'a vu dans sa détresse.
C'est messire renard. « Quoi! dit-il, toi si fort
Et si fameux par ton adresse,
C'est devant un chamois, un animal chétif,
Que tu retiens ainsi ton courage inactif ?
Tu n'as qu'à le vouloir, tu vas faire un miracle.
Large sans doute est le ravin,
Mais qu'importe ! Pareil obstacle
Contre ta volonté s'opposerait en vain.
Tu sais, grand roi, que, d'habitude,
L'amitié dicte mes discours ;
Voudrais-je ainsi risquer tes jours,
Si je n'avais la certitude
Qu'à tes puissants efforts tout doit céder toujours ? »
Le lion, à ces mots, sent d'une ardeur nouvelle
Dans son sang généreux circuler l'étincelle.
Il saule à corps perdu vers l'abîme profond:
Vains efforts! il y tombe et va mourir au fond.
Que fait l'ami du cœur pour lui prouver son zèle?
11 descend prudemment les pentes du riavin ;
Voyant qu'auprès du roi doit cesser son service,
Et que tout beau discours désormais serait vain,
Pour lui rendre un dernier office,
Et pour mieux assurer son éternel repos,
Il passe, au fond du précipice.
Un mois à lui ronger les os.