Son bec en pioche le choquait ;
Il blâmait son long cou, ses jambes en èchasses,
Son plumage cendré, sa démarche sans grâces.
C'est souvent par orgueil qu'on.se raille d'autrui ;
Aussi bientôt le paon vint à parler de lui :
« Regarde, disait-il, cette admirable aigrette
Dont Junon, mon auguste appui,
Comme d'un diadème a décoré ma tête ;
Vois les mille reflets et l'éclat non pareil
De ma queue étalée en roue,
Où le brillant faisceau des rayons du soleil.
Mieux que dans l'arc-en-ciel se divise et se joue ;
Vois ce port noble et gracieux,
Qui sied au favori de la terre et des cieux.
— J'admire tout cela, lui répondit la grue ;
Mais peux-tu comme moi t'élever dans la nue?
Non : ton lourd corps en vain voudrait quitter le sol ;
Et, tandis que d'un libre vol.
Dans les plaines de l'air, je parcours mainte liëue,
Toi, roi sur un fumier, tu ne sais qu'étaler
Les trésors dont Junon se plut à te combler ;
Mais ne t'y trompe pas : c'est cette riche queue,
Beau paon, qui par son poids t'empêche de voler. »
Ceci revient assez à ce que dit le sage,
Qu'une grande fortune est un grand esclavage.