Comme un linceul jeté sur la vaste étendue,
La neige au loin couvrait lés guérets attristés ;
Le vent glacé du nord sifflait sa note aiguë,
Et des hauts peupliers les rameaux agités
Se lamentaient dans l'avenue.
Prés d’un feu pétillant assis dans mon fauteuil,
De ma chambre bien close insultant à la bise :
Je tournais mes regards vers la nature en deuil,
Tout à coup je vois, ô surprise !
Un pauvre rouge-gorge, inquiet, agité,
Qui, de l'aile et du bec frappant à ma fenêtre,
Implorait l'hospitalité.
J'ouvre aussitte ; l'oiseau, qui semble me connaitre,
Vers moi s’élance et, comme un suppliant,
Tombe à mes pieds ; je le ramasse
De froid à demi-mort, de frayeur tressaillant,
Et, pour le réchauffer, dans mon sein je le place ;
Puis, ouvrant un buffet, j'émiette un peu de pain,
Que l'oiseau rassuré vient manger dans ma main.
Autour de mes serins le voila qui voltige.
« Viens-ici, sur mon doigt, petit méchant, lui dis-je,
(Un poète connaît la langue des oiseaux);
Quand je me promenais l'été sous ces berceaux,
Pourquoi t’envolais-tu sans cesse à mon approche ?
Vingt fois je t'appelai, toujours tu t'es enfui ;
Pourtant, je te le jure, alors comme aujourd’hui,
Je n’avais nul dessein de te mettre à la broche.
— Ah! dit l'oiseau, pas de reproche !
Sur la branche, sur le gazon,
Quand je trouvais ma nourriture ,
J’avais horreur de ta prison,
Et la mort me semblait moins dure ;
Mais la faim, la faim que j'endure
Dans mon état de liberté,
Me force à changer de langage
Kt me fait a la mort préférer l’esclavage. »

Indépendance et Pauvreté
Ne font pas souvent bon ménage.

Livre I, Fable 9, 1856




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