Aux bords de l'ardent Sénégal,
Pays sablonneux et sauvage,
Habitait un Boa, reptile colossal,
Effroi de tout le voisinage.
Chaque matin, sitôt qu'à replis tortueux,
De son antre sortait la venimeuse bête,
Un Renard lui disait, d'un ton respectueux :
Monseigneur jouit—il d'une santé parfaite ?
Son auguste personne, en son noble réduit,
A-t-elle, comme il faut, reposé cette nuit ?
Me voilà tout à son service.
Le Boa, suivant son caprice,
Répondait quelque chose, ou ne répondait rien.
Un Renardeau, tout plein de candeur, de jeunesse,
Dit à son père, un jour : pourquoi tant de bassesse ?
Aux Renards un Serpent ne peut faire aucun bien.
Quel motif vous fait donc cajoler une altesse
De cette dangereuse espèce ?
L'âge t'ôtera ce souci,
Répond le vieux routier. Je n'imite, en ceci,
Que messieurs les humains, mes rivaux en adresse.
Au rôle que je joue on les voit s'asservir ;
Et, plus experts que toi dans l'art de se conduire,
Ils flattent moins celui qui pourrait les servir,
Que celui qui pourrait leur nuire.