La Carpe, le Carpillon et le Héron Louis-François Jauffret (1770 - 1850)

Dans le courant d'une rivière,
Certaine Carpe douairière.
Instruisait, en ces mots, un jeune Carpillon :
Mon fils, une race ennemie
Conspire notre perte, en veut à notre vie.
Redoute la : l'homme est son nom.
Adroit, astucieux, armé de perfidie,
Il se travaille, il s'étudie.
A tromper le peuple poisson.
Fuis, mon ami, fuis l'hameçon,
L'épervier, la nasse fatale,
Et le traître verveux, dont le ventre est, dit-on,
Un inextricable dédale.
Au plus léger bruit qui des eaux
Viendra sillonner la surface,
Enfonce-toi dans les roseaux,
Et crains d'abandonner la place.
Le novice écoutait cette sage leçon,
Bouche béante, et l'oreille attentive.
Tout à coup voilà qu'un Héron
Plonge son bec dans l'eau, pince le Carpillon,
Et s'en régale sur la rive.

Mille fois, ici-bas, d'une prudence active
Le sort fait échouer les soins ;
Et souvent le malheur arrive
, Du côté qu'on l'attend le moins.

Livre III, Fable 13




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