Le Chat et l'Écureuil Louis-Maximilien Duru (1804 - 1869)

Près du palais d’un Écureuil,
Un saint homme de Chat, posté sur son derrière,
Et baissant modestement l’œil,
Comme s’il eût fait sa prière,
Se mit à miauler d’une touchante voix
Ces conseils qu’il donnait en sage
A l’enfant exilé des bois
Qui sautait, bondissait, trépignait dans sa cage :
— Mon frère bien-aimé, pourquoi ces mille tours ?
Vous ne restez jamais tranquille.
Vous me faites pitié ! Vous remuez toujours,
Et le sommeil, loin de vos yeux s’exile.
Votre sort m’attendrit. Ah! montrez-vous docile,
Ma douce charité vous prête son secours.
Contenez quelque peu votre humeur trop légère,
Venez entre mes bras fermer votre paupière
Et goûter en paix le repos ;
Car je sais bien que ces barreaux
Et cette affreuse solitude
Sont la source de tous vos maux.
Ils causent votre inquiétude.
Oh ! près de moi, que vous serez heureux !
Votre bonheur fait tous mes vœux.
— Nenni, mon trop généreux père,
Reprit le petit solitaire.
Sous votre patte de velours
Est une griffe meurtrière ;
Grand merci de votre secours !
Vous miaulez des mots pareils à la tendresse ;
Mais ce n’est là qu’une finesse ;
On a découvert tous vos tours.
Celui qui me tient dans ma cage
M’a privé de ma liberté,
Pour jouir de mon badinage.
Il aime ma légèreté ;
Mais, n’en déplaise à votre sainteté,
Vous lui volez son beurre et son fromage,
Et toujours l’Écureuil, aussi franc que volage,
Que vous trouvez si malheureux,
Le gagnera, lui plaira mieux
Que votre hypocrite langage.

Un bon maître toujours préfèrera l’enfant
D’un caractère un peu léger, mais franc,
Au pervers, au méchant qui contrefait le sage.

Livre I, fable 10




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