La Rate et les Rats Maximilien Emmanuel-Charles de Malon (18ème siècle)

La Volupté régnait seule à Ratopolis ;
On n'était occupé que d'amour, que de fêtes.
Le luxe avait tourné les têtes :
À l'armée, au sénat, c'était tout Sybaris ;
Nul ordre, nulle épargne enfin les finances :
Le Doge, fameux Calotin,
Et les siens, regorgeaient de richesses immenses ;
Bref le gouvernement touchait à son déclin.
Au milieu des erreurs publiques,
Une Cassandre dans les pleurs,
Prédisait du Dieu Mars les fléaux destructeurs,
Cherchait à réveiller quelques vertus antiques,
Vantait aux citoyens l'austérité des mœurs,
Annonçait des Voisins conjurant leur ruine,
L'état en cendre, démembré,
Catastrophe qu'avait dès longtemps préparé
La corruption intestine...
Mais rien ne put toucher les deux ordres de Rats :
Quand tout-à-coup fond sur la république
Certaine peuplade de Chats
Voilà justifié notre esprit prophétique.
Comme au dépourvu l'on fut pris,
Que le peuple et les chefs n'étaient pas aguerris,
Que personne n'avait ce courage énergique,
Qui dans les maux fait voir le remède, et l'applique,
Sous la grifse bientôt les Rats périrent tous.

À quoi sert de prêcher la raison à des sous ?