Dans l'âge où de parure on peut être idolâtre,
Une jeune beauté détachait tristement
De son cou, plus blanc que l'albâtre,
Une chaîne où la perle, unie au diamant,
Composait un tissu charmant,
Digne d'une Hermione ou d'une Cléopâtre.
La belle, en déposant ce Collier radieux,
Lui lançait un regard de mépris et de haine.
On peut s'en étonner ; on conçoit avec peine
Qu'un tel bijou soit odieux.
Celui-ci fut doué du don de la parole.
(C'était un ouvrage des Dieux)
 ce coup- d'œil injurieux,
Il croit décidément que cette dame est folle.
« Eh quoi ! vous me traitez, dit-il, avec mépris ;
Moi, tout resplendissant de pierres précieuses !
Moi qu'Hélène avec joie eût reçu de Pâris !
Je sais trop, lui répondit-elle,
Qu'on admire l'éclat dont vous étincelez.
Vous me causez pourtant une douleur mortelle ;
Mon beau carcan, vous m'étranglez.
Comment donc ? je vous serre autant que vous voulez ;
Relâchez mes rubans, vous le pouvez sans peine,
Alors je ne vous blesse plus. -
Oh ! J'y prends des soins superflus.
En vous portant, vous dis-je, ô trop brillante chaîne,
J'étoufse au point de perdre haleine.
Je ne vous entends pas : de grâce, expliquez-vous.
Rien n'est plus simple. Je suis née
De parents sans fortune, et, par malheur, ornée,
De traits que l'on trouve assez doux.
La loi d'un fatal hyménée
M'a jointe avec un riche époux,
Gonflé de ses trésors, tyrannique, et jaloux.
Sans consulter mon cœur, ma main lui fut donnée ;
Des plus magnifiques atours
Son orgueil opulent m'accable tous les jours ;
L'or luit sur mes habits ; des perles sans pareilles
Environnent mes bras, pendent à mes oreilles ;
Vos diamants encor viennent me surcharger.
Qui me voit au-dehors doit me porter envie ;
Mais de l'intérieur, ô ciel ! peut-on juger
Sur cet appareil mensonger ?
On croit que de mon sort je dois être ravie,
Quand je traîne à regret le fardeau de la vie.
Ah ! c'en est trop, Madame. Eh bien !
Accusez le tyran qui fait votre torture ;
Mais du collier ne dites rien ;
Car de mes diamants l'eau n'en est moins pas pure.
Sans doute ! et c'est le comble à ma triste aventure
Plus un lien est éclatant,
Plus son étreinte paraît dure.
Qu'importe la richesse, hélas ! et la parure,
Lorsque le cœur n'est pas content ? »