J'ai lû dans certain vieux grimoire
Un fait qu'on aura peine à croire,
Tant il paraîtra surprenant.
Si c'est un conte, ou si c'est une histoire,
Mon Auteur n'en dit rien : je n'en suis pas garant.
Il était un Géant d'une énorme stature,.
Qui se nommait Gargantua :
Sa gourmandise le tua.
Et voici quelle sut sa tragique aventure.
Un jour que la faim le pressoir,
Et qu'il avait grand besoin de repaître,
Devant un magasin par hasard il passait y
De retenir sa faim il ne fut pas le maître ;
De souffre jaune comme l'or
Il aperçoit une tonne remplie
Le gourmand n'avait pas encor
Goûté d'un tel mets de sa vie.
Sa couleur cependant eut pour lui des appâts,
Car la faim ne raisonne pas.
Que fait notre affamé ? D'une façon gloutonne
II avale à l'instant et le soufre et la tonne.
Bien sot fût-il après un tel repas
Il se sent assailli d'une douleur cruelle :
Un froid subit, une langueur mortelle
L'ont bientôt mis à deux doigts du trépas.
Que faire ? Il fallut donc pour sauver sa machiner
Des noires horreurs du tombeau,
Recourir à la Médecine.
Alors vous eussiez vu, phénomène nouveau,
Les doctes suppôts d'Hippocrate,
Pour opérer cure si délicate,
L'un muni d'une échelle et l'autre d'un flambeau,
Sans plus tarder descendre dans son ventre,.
Et parcourir tous les coins de cet antre.
Déjà la grave Faculté,
Après avoir bien cherché, consulté,
Et déployé sa rhétorique,
Avait trouvé la cause morbifique ;-
Le tout allait au mieux, sans un triste accident.
Hé, quel fût-il cet accident tragique ?
A deviner je vous le donne en cent,
Si mieux n'aimez que je l'explîque
Le voici donc : un Docteur imprudent,
Avec ses doigts en mouchant la chandelle,
Laisse tomber une grosse étincelle.
Comme un éclair alors le soufre prend,.
Et s'enflamme dans un instant.
Force fut de céder, à cette ardeur nouvelle.
Ce fut bientôt fait du Géant.
Gargantua périt et toute la séquelle,
De ceci que conclura-t-on ?
Que rien n'est si fou qu'un glouton,
La gourmandise, dit le Sage,
Enlève plus de gens de tout rang, de tout âge,
Que n'en ont fait périr le glaive et le poison :
J'ajoute encore le canon.