Le Blessé et son Ami Nivet Desbrières (18ème siècle)

Certain Cavalier d'importance,
Quoique civil et fort humain,
Pour se venger d'une insolence,
Mit un jour l'épée à la main.
Il se battit avec courage ;
Mais son rival eut l'avantage
De parer tous les coups, de lui percer le flanc :
Et comme il nageait dans son sang,
Accourut à son assistance
Un Ami qui, par complaisance,
Voulu être présent au funeste combat :
Et le voyant en cet état,
Voilà, dit-il, avec impatience ;
Voilà l'effet du point d'honneur !
On veut montrer qu'on a du coeur,
On ne veut pas pardonner une offense ;
Et le désir de la vengeance
Cause toujours quelque malheur.
Mon Dieu, que je hais les querelles !
Ne peut-on rester en repos ?
Et faut-il, pour de vains propos,
Ou pour semblables bagatelles,
Faut-il ainsi se battre en fous ?
Ne ferait-il pas bien plus doux
De vivre en bonne intelligence,
Dans la paix et dans l'innocence,
Sans ressentiment, sans courroux ?
Que les hommes sont imbéciles
De prodiguer leurs plus précieux jours !
Au lieu d'en prolonger le cours,
En vivant d'accord et tranquilles,
En se prêtant de mutuels secours.
Je n'avais qu'un ami sincère ;
Et pour un petit différent,
Je le vois étendu par terre ;
Hélas ! je le vois expirant.
En effet, il était mourant,
Et prêt à fermer la paupière :
Ami, dit-il, en gémissant,
Donnez-moi le plus prompt remède ;
Dépêchez-vous, je n'en puis plus.

Quand on a besoin de notre aide,
Tous les discours sont superflus.

Fables nouvelles, fable 3


L'auteur a mis cette fable en lien avec la fable L'Enfant et le Maître d'école de La Fontaine.

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