Dans le plus terrible des arts,
Dans l'homicide jeu de Mars,
Deux Guerriers, égaux en courage,
Mais l'un vieilli dans les hasards,
Et l'autre à cette fleur de l'âge
Où le sang avec plus d'ardeur
Fait battre le pouls et le cœur
Donnaient l'essor à leur vaillance.
Tous deux, frappés en même temps,
Parmi le choc des combattants,
Les cris de fureur, de souffrance,
Et de terreur et de vengeance,
Tombent sur des corps palpitants.
Le plus jeune se désespère :
Voir ainsi borner sa carrière !
Voir ses ennemis triomphants !
Il se traîne dans la poussière,
Se roule en hurlant sur la terre,
Arrache le trait de son flanc,
De ses mains ouvre sa blessure ;
Et par cette large ouverture
Son âme fuit avec son sang.
Renversé, terrassé de même,
L'autre Guerrier, que l'âge instruit,
S'emporte moins, fait moins de bruit,
Ne hâte point l'instant suprême,
Laisse dans ses chairs enfoncé,
Le fer sanglant qui l'a blessé,
Jusqu'au moment où les armées,
Au carnage moins animées,
Font trêve à leurs horribles jeux ;
De tuer lasses toutes deux,
Et toutes deux chantant victoire.
Lors à ses compagnons de gloire
Il crie : à moi, nobles vainqueurs !
Et vive Mars ! On le relève ;
D'Esculape un savant élève
Apaise avec art ses douleurs,
Baigne de sucs réparateurs
Son flanc déchiré par le glaive,
Le sauve enfin du sombre bord ;
Et le Héros plein d'allégresse,
Plus sain, plus dispos et plus fort,
Va, comme aux jours de sa jeunesse,
Donner, braver, chercher la mort.
Vous que de sa dent de vipère
Un noir satyrique a blessés,
Du Guerrier ivre de colère
Et du Guerrier que rien n'altère,
Voyez le sort, et choisissez.