En un lieu habitait un brâhmane qui avait rempli un pot de farine de riz qu’il avait reçue en aumône, et qui lui restait de son repas. Il pendit ce pot à une cheville, plaça son lit dessous, et, l’œil constamment fixé sur le pot pendant la nuit, il pensa :
« Ce pot est plein de farine de riz. Quand arrivera une famine, j’en retirerai cent pièces d’argent, et avec cela j’achèterai une paire de chèvres. Puis comme celles-ci mettent bas tous les six mois, j’aurai un troupeau de chèvres. Ensuite, avec les chèvres, j’aurai des vaches. Lorsque les vaches auront vêlé, je vendrai leurs veaux. Puis j’aurai des juments. Quand les juments auront mis bas, j’aurai beaucoup de chevaux. De la vente de ceux-ci je tirerai beaucoup d’or. Avec l’or j’aurai une grande maison. Puis un brâhmane viendra à la maison et me donnera en mariage une belle fille avec une dot. De celle-ci naîtra un fils. Puis quand il sera grand, je prendrai un livre, je m’assiérai derrière l’écurie et j’étudierai. Cependant mon fils me verra, et, désireux de monter sur mes genoux, il s’échappera du giron de sa mère et viendra auprès de moi, en s’approchant des sabots des chevaux. Alors, saisi de colère, je dirai à ma femme : Viens chercher ton enfant ! Mais, occupée par le ménage, elle n’entendra pas mes paroles. Alors je me lèverai et je lui donnerai un coup de pied. »
Ainsi plongé dans ses réflexions, il lança un tel coup de pied qu’il brisa le pot, et qu’il fut blanchi par la farine de riz qui était dans le pot.
Cette histoire est particulièrement intéressante pour nous, comme il s'agit de la fable de La Laitière et le Pot au lait. Il y a fort à parier qu'elle ait inspirée celle-ci. Je me suis permis de retoucher et moderniser légèrement la traduction de Édouard Lancereau.