La Pie et une société d'Oiseaux Pierre Chevallier (1794 - 1892)

Dans un des plus charmants bocages,
Des oiseaux de divers plumages
Formaient une société
Où régnaient l'union, l'amitié, la gaîté
II arriva qu'un jour une méchante pie,
Habile à déguiser son dangereux caquet
Sous une apparence polie,
Vint s'établir dans ce bosquet.
Aux habitants du lieu tout d'abord dame Agace
Rend visite ; avec l'un, avec l'autre jacasse.
— Voisin, dit-elle au geai, comment donc se fait-il,
Vous qui me paraissez si doux et si gentil,
Que cette petite fauvette
Que vous traitez si bien, si méchamment vous traite ?
Elle prenait plaisir hier à débiter
Des propos que pour vous je n'ose répéter.
Gela dit, elle part, va vers la tourterelle
Et s'exprime en ces mots : — Dorénavant, ma belle,
Gardez-vous bien de voir ce méchant sansonnet.
Ce matin, devant moi, ce drôle prétendait
Qu'à votre cher époux vous étiez infidèle.
Je vous défendis de mon mieux ;
Il affirma le fait, en jura ses grands dieux.
C'est ainsi que parlant et de l'un et de l'autre,
Tout en faisant le bon apôtre,
Cet imposteur oiseau semait
La discorde parmi les hôtes du bosquet.
Déjà de tous côtés l'on se dispute, on crie,
On se déplume, on s'injurie.
Que faisait, direz-vous, la pie en ce moment ?
Elle riait sous cape au faîte d'un vieux chêne,
Et d'un air satisfait contemplait cette scène.
Un futé merle l'avisant
Jusqu'au fond du cœur la devine.
— De vous entregorger, mes chers amis, cessez,
Dit-il aux combattants, je connais l'origine
Des propos qui vous ont blessés.
Sur cet arbre voyez cette fille du diable
Qui rit de ses méchancetés.
C'est ce mauvais sujet, c'est cette misérable
Qui nous a brouillés, irrités.
Chassons de notre bois cette bête maudite.
L'assistance, à ces mots, se met à sa poursuite
Et tous de fureur transportés
La font à coups de bec déloger au plus vite.

C'est ainsi qu'on devrait de la société
Chasser mainte et mainte harpie
Qui, de même que notre pie,
Exercent leur méchanceté.

Livre IV, fable 7




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