Le Renard et le jeune Loup Pierre Chevallier (1794 - 1892)

— Ah ! je vais Jonc manger cette fois du canard !
Disait un jeune loup, d'un naturel bavard,
Au renard son voisin. Ne sachant trop que faire,
Ajouta-t-il, ce soir, afin de(mc distraire,
Je flânais au dehors du bois.
En côtoyant la métairie
Qui s'élève an milieu de la grande prairie,
Par l'effet du hasard ; je vois
Un gros et gras canard que, dans une chambrette,
Dont la porte se clôt par une chevillette,
La domestique du logis
Enfermait malgré tous ses cris.
— Bonne aubaine, me dis-je, il me sera facile,
Quand il fera bien nuit, que tout sera tranquille,
D'aller, l'ami, te déloger.
— Ce coup, mon cher voisin, offre un certain danger,
Reprend maître renard, agis avec prudence,
Surtout ne te hâte pas tant,
Et choisis un propice instant.
De vieux renards, en qui j'ai pleine confiance,
M'ont plus d'une fois attesté
Que les chiens de ce lieu, sans cesse en surveillance,
Ne se couchent jamais que le coq n'ait chanté.
Donnant dans cet avis, qu'il croit très salutaire,
Notre crédule loup va dans une clairière
Attendre le signal du réveille-matin,
Et dès ses premiers cris se met vite en chemin.
Quel désappointement ! Plus de bête emplumée !
De la chambrette il voit la porte non fermée ;
De plus, pour comble de malheur,
Deux gros matins, avec ardeur,
Soudain courent à sa poursuite
Et le font jusqu'au bois détaler au plus vite.
Il y trouve notre renard
Qui, s'étant à l'avance emparé du canard,
Lui dit en le croquant : — Que ce petit déboire
Reste à jamais, mon cher, gravé dans ta mémoire ;
Suis surtout ce conseil et fais-en ton profit :
Trop parler nuit.

Livre III, fable 5




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