Un Fantôme franchit les monts et les vallées ;
Et trois femmes en deuil courent échevelées,
Lui disant : « Ô mon fils, mon frère, mon époux,
Arrête ! le bonheur est au milieu de nous ! »
Ni son épouse, hélas ! ni sa sœur, ni sa mère
N'obtiennent un soupir, un seul regard d'amour.
Vainement les beaux-arts, en cette vie amère,
Veulent bercer ses jours d'une douce chimère ;
Vainement les vertus lui disent à leur tour
Que de l'humanité le salut le réclame :
Le Fantôme, contre eux endurcissant son âme,
Foule plus vite encor la poudre des chemins
L'infirme, le vieillard, l'orphelin et la veuve,
Qui de tous les malheurs sentent la rude épreuve,
Se jettent à ses pieds et lui tendent les mains ;
Mais il ferme son cœur à tous les maux humains,
Où va-t-il ? où sa vue est-elle donc fixée ?
Et quel point dans l'espace absorbe sa pensée ?
- C'est qu'il a vu de l'or briller à l'horizon !
Et ce fantôme étrange, inflexible démon,
Qui foule aux pieds les arts, les vertus et les hommes,
Et qui n'a pour seul but, pour unique trésor,
Pour croyance ici-bas, pour espoir que de l'or,
De grâce, quel est-il ? - C'est le siècle où nous sommes !

Livre II, Fable 16




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