Eugène avec sa mère assistait au spectacle ;
Des cités, des palais, des forets, des remparts,
Mouvant panorama, s'offraient à ses regards.
Eugène, criant au miracle,
Jusqu'au troisième ciel se croyait transporté.
Vers sa mère bientôt il se tourne enchanté :
« Que ces reines, dit-il, ont un charmant visage,
Et que ces rois entre eux parlent un beau langage !
Sans doute quelque fée ou quelque dieu puissant
Nous apporta.d'en haut ce monde éblouissant ?... »
La mère dit : « Mon fils, reviens de ta méprise :
Sous le prisme imposteur, d'un éclat emprunté
Se cache la réalité;
Ces merveilles sans fin qui causent ta surprise,
Ce sont des palais de carton,
Des roses sans parfum et des femmes fardées
Et ridées,
Et de grands écoliers récitant leur leçon... »
Enfant, ainsi que toi, nous eûmes tous notre âge
De naïve crédulité;
Mais des illusions le vaporeux mirage
Trop tôt s'évanouit devant la vérité.
Sous la pourpre des rois, dans le cœur de nos maîtres,
Nous crûmes voir la force unie à la bonté;
Nous crûmes voir aussi sous la robe des prêtres
Briller la modestie avec la piété ;
Les juges, selon nous, jugeaient en conscience ;.
L'amour et non pas l'or, désarmait la beauté.
Laissant dans son oubli la médiocrité,
Les rangs et la fortune à son obscurité;
Savaient arracher la science...
Erreur ! c'était partout faiblesse et. vanité,
Avarice, mensonge et partialité !
Erreur ! car, se couvrant d'un masque de théâtre,
S'affublant d'oripeaux, de clinquant et de plâtre,
Chacun faisait à qui saurait le mieux
Du public éblouir les yeux.