La Colombe et le Serin Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

La vanité, toujours, eut la plus grande part
A nos travers, à nos sottises.
Si de notre esprit, par hasard,
Elle arrête le cours, il tombe en cent méprises.
Vous, qui doutez de cette vérité,
De deux oiseaux écoutez l'aventure.

Contre l'ardeur d'un jour d'été
Cherchant un sûr abri sous la fraîche verdure,
Une tendre colombe, un aimable serin,
Se rencontrèrent et firent connaissance.
Le chantre, peut-être à dessein,
Salua par une cadence ;
La colombe remercia.
Le serin fit entendre une douce harmonie ;
La colombe s'extasia,
Et du savant chanteur loua le beau génie.

Dès lors, on les vit chaque jour
Dans ce lieu hâter leur retour.
Souvent, la colombe empressée
Par son ami fut devancée.
Mais sur leur mutuel penchant
Tous deux, par malheur, se trompèrent ;
Le charme de leur sentiment,
Qu'à l'amour ils attribuèrent,
Ne fut qu'un vain orgueil. On les vit s'en vanter ;
Chacun d'eux osa se flatter
D'avoir fait naître en l'autre une vive tendresse.
De leur erreur longtemps ils ne purent douter :
Avec la vanité satisfaite, tout cesse.
L'indifférence vint succéder à l'ivresse ;
De l'amour, l'amour-propre avait fait tous les frais.

Ainsi maint freluquet, près de maintes coquettes
Sans vertus comme sans attraits,
Poursuit de faciles conquêtes.
Il n'aime que lui-même et veut être flatté ;
Présent, avenir, tout est dans la vanité!

Livre V, fable 20




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