Quand feu le roi Guillaume à Liège
Vint la dernière fois, en mil-huit- cent-vingt-neuf,
Deux Hesbignons, en sarrau neuf,
Causaient en regardant défiler le cortège.
J'écoutais leur colloque en regardant aussi.
Il me semble l'entendre encore ; le voici :
<< Claude, si je pouvais sur ma jeune cavale
Suivre avec ces messieurs la voiture royale !
Quel plaisir pour moi, quel honneur !
Je suis jaloux de leur bonheur...
- Ris-tu, Colas ? Non, vrai ; j'en ai l'âme ravie !
Et toi, Claude ? Allons donc ! moi, pareille lubie !
Tu songes... Le spectacle est assez amusant,
J'en conviens ; mais je veux rester libre, pourtant,
De le planter là s'il m'ennuie ;
Tous ces fiers cavaliers n'en sauraient dire autant.
Que le soleil les hâle ou les mouille la pluie,
Suivre partout le roi pour eux est un devoir.
Cloués et rompus sur leurs housses,
De bon ou de mauvais vouloir,
Force leur serait jusqu'au soir
D'être sans relâche à ses trousses.
Va, jalouse, mon cher Colas,
Leur plaisir tant que tu voudras,
Des jouissance d'ici-bas
Les plus libres, pour moi, sont toujours les plus douces. »