L'Homme successivement prodigue, avare et raisonnable René Alexandre de Culant (1718 - 1799)

Certain dissipateur, à trente ans, ruiné,
Dénué de toute ressource
Et ne possédant pas un écu dans sa bourse,
De ses amis se vit abandonné.
Il courit se cacher aux fonds de la province,
Il y vivait d'une rente assez mince,
Quand tout à coup il hérita
D'un vieux oncle se damna,
Pour lui laisser une fortune immense.
On crut d'abord que sa dépense,
Augmenterait au prorata ;
Mais lui, tout autrement conta.
Je ferais, disait-il, une grande pécore,
Si pour un monde ingrat, qui m'abandonnera,
J'allais me ruiner encore.
Il est bon d'obliger, mais qui ? des gens de bien,
Et tout homme ne valant rien,
La voilà dispensé de faire des largesses ;
Partant, enterrons nos richesses.
Il les porta dans le fonds d'un caveau.
En tout, cet homme était extrême ;
Mangeant du pain moisi, ne buvant que de l'eau,
On vit, bientôt, tracer l'affreux tableau
D'un mort, qui ressuscite et fort de son tombeau
Il ne calculait pas comme maint autre avare,
Les plaisirs que son or eût pû lui procurer,
Mais ceux dont il pourrait priver
Le genre humain.
Car son humeur bizarre,
Dans l'un et l'autre excès le portait, tour à tour.
[...]

Livre I, fable 8










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