Le Loup qui contrefait le Chien René Alexandre de Culant (1718 - 1799)

Entre un vieux loup qui contrefit le chien,
Pour assouvir la rage et mieux remplir la panse,
Et maint cagot jouant l'homme de bien,
Je ne vois nulle différence.
Un jour de faire à Bassora,
A des gens de toute race,
Idolâtres, Chrétiens, Turcs, Juifs et coetera,
Que leur commerce attirait sur la place,
Un quidam racontait la fable que voici.
Certain loup, au cœur endurci,
Se rappelait dans la vieillesse,
Tous les dangers de la folle jeunesse ;
Lorsque son appétit glouton,
Le portant à faire curée
D'un veau, d'un simple mouton,
Ou d'une brebis égarée,
Chacun le poursuivait à grands coups de bâtons,
De fourche ou de mousqueton.
Comment jouïr d'un fort tranquille ?
Disait ce loup.
Oh pour le coup,
J'imagine un moyen facile.
Guillot, tout près d'ici, fait paître les brebis,
Son Chien, ce gardien fidèle,
Vient de mourir et je m'en réjouis,
Car, je puis,
Faisant parade d'un faux zèle,
Remplir la place du défunt.
L'âge a déjà blanchi mon poil trop brun.
Pour adoucir mon air trop rude,
Pour avoir des graces d'emprunt,
Il ne faut qu'un peu d'habitude.
Le voilà donc qui contrefait le chien
Et si bien,
Qui Guillot, qui le vit, d'un demi-quart de lieue,
Souhaita de l'avoir pour remplacer le sien.

Livre II, fable 8




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