Une norrice ennuioit
Ses petits ensans qui criait :
Si jure que il se taira,
Ou elle au loup le getera,
Pour mangier et pour devourer,
Se il ne laisse à plourer.,
Le loup qui la promesse oy,
Com' fol moût s'en est esjoy ;
Car bien cuide, sans nulle faille
Que celle son enfant li baille ;
Mais li enfant tourne à repos.
Cil qui a perdu son pourpos,
N'arreste plus en ceste place :
Car peur d'une part l'en chasse,
Et d'autre part que fain l'aproche
.....
Sa femme li fait pou de joie,
Quant sans rien revenir le voit,
Comme celle qui faim avait,
Et voit que le loup riens n'aporte :
Por pou que ne lui clost la porte :
Ains le laidauge durement ; 1
Le lou li respont simplement
Comme cils qui plaid ne veut avoir.
Seur, fet-il, je te dirai voir ;
Certes j'ay grant travail eu :
Une femme m'a décéu.
Ainsi a fait plus grant de moy
Premier homme, David le roy :
Si list—elle, le fort Samson
Et le très sage Salomon.
Quant il veult mettre son corage
Convient obéir fol et sage ;
Mais la douceur de femme bonne
Passe de solas toute borne.
Le pauvre homme gémit et pleure ;
Sa femme ne vient a bonne heure.
Tant comme femmes dureront
Femmes esbay ne seront.
Fable I
Notes
Por pou : pour peu ; il s’en faut peu que
Laidauger : blâmer, gronder, critiquer
Plaid : procès, querelle
Seur : nom d’amitié donné dans ces temps aux femmes par leurs maris