Les cornes ne sont pas ce qu'un vain peuple pense.
Elles étaient, jadis une marque d'honneur,
Croyons en le meilleur de tous les Rois de France
Louis douze en un mot, ce chevalier sans peur.
Du ciel il reçut une femme
Sage pleine de grandeur d'âme,
Mais dont l'esprit un peu plus qu'aigre-doux,
Contrariait, sans cesse son époux.
Ayant longtemps souffert de son humeur hautaine,
Ce Roi, si bon ! dit un jour à la Reine :
Au temps de la création,
Quand tous vivaient encor dans l'union,
Les biches et les cerfs qu'au siècle où nous sommes,
Portaient tous des cornes au front,
Marque honorable et qu'au siècle où nous sommes,
Mal à propos, on prend pour un affront.
Mais après que l'humaine engeance
Eut éprouvé la céleste vengeance,
Quand nos premiers parents honteux de se voir nus,
D'habits de peaux se furent revêtus,
Tous ces haillons cachant aux yeux perplexes,
La différence des deux sexes,
Les femmes conçurent l'espoir.,
De partager, tout au moins, le pouvoir,
Qu’avoient reçu leurs maris débonnaires;
“On les vit, se mêlant de toutes les affaires ,
Ne croyant jamais avoir tort,
Etre cause de mille guerres
Et les biches prirent l'effort
Pour étendre leur puissance.
Malgré toute leur vaillance,
Messieurs les cerfs, moins endurance que nous,
Ayant, bientôt, réprimé leur licence,
Force leur fut de filer doux.
Du haut des cieux le maitre du tonnerre ‘
Qui d'un coup d'œil parcourt toute la terre,
Voyant et femme et biche et leur rébellion,
Pour leur ôter toute prétention ,
Les priva de leurs belles cornes i
De quoi, longtemps, furent tristes et mornes.
Le cerf conserva fon beau bois,
Le promenant avec audace ;
Et le pauvre homme, cette fois,
Perdit le sien et reçut à la place,
Seulement la barbe au menton.
Mais il n'en devint pas plus sage,
Car dans la fuite il se rase, dit-on,
Pour plaire à ce sexe volage,
Qui nous retient dans l'esclavage,
Et paraît plus doux qu'un mouton.

Livre I, fable 6


Noter de l'auteur : Cette fable est de Louis XIII, on n'a fait que la versifier.

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