Certain ambitieux, nommé Michel d'Arome,
Grand, bien fait et bon gentilhomme,
Loin de bénir le ciel, se voyant se bien né,
Dans son état, se trouvait trop borné,
Tant il était rempli de son mérite.
Il fut longtemps à la poursuite
D'un régiment et l'ayant obtenu,
Il se plaignait encor de ce qu'un parvenu,
Un Financier venait d'obtenir même grâce.
Ce n'est point l'homme, c'est sa place,
Dit-il, qu'on encense aujourd'hui,
Je n'ai donc rien de plus que lui.
La noblesse acquise à la guerre,
A bien perdu de sa grandeur !
Qu'est devenu le temps où dans le militaire,
L'heureux soldat devenait Empereur !
Oui, pour jouir d'un slide bonheur
Il faut être né Prince, ou du plus bas étage.
On sent que le propos n'était ni vrai, ni sage.
On s'en rapporte aux Souverains,
Les plus ennuyés des humains.
Mais notre ambitieux, ayant toujours la rage,
De désirer tout ce qu'il n'avait pas,
Pour un aussi vain personnage,
Un grand titre avoir mille appas.
Que ne disait-il point des fortunes subites ?
Sans distinguer ceux, qui par leurs mérites,
Au plus haut rang sont parvenus,
D'avec ces gens si bas et si connus,
Qui ne doivent leurs réussites,
Qu'aux dons séducteurs de Plutus.
Il disait : La Fortune est une femmelette,
Favorisant par goût le plus vilain.
Elle a fait d'un certain Lilin,
e nos jours le Marquis Lilette ;
Et d'un Banquier nommé Bunette,
Le fameux Comte de Bunoi,
Mais elle ne peut rien pour moi.
Cette réflexion m'assomme !
Quelqu'un lui dit, pauvre Michel d'Arome !
Je vois combien votre sort est cruel,
Et ce qui manque à votre gloire,
C'est que personne, en lisant votre histoire,
N'y lira le Prince Michel.

Livre II, fable 2




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