L'Hirondelle et le Passereau Romain Nicolas du Houllay (début 19è)

Au haut d'un toit gazouillait l'hirondelle.
Perché sur un mur non loin d'elle,
Le passereau solitaire et rêveur,
Témoin jaloux de son bonheur
Avec peine entendait son vif et doux ramage.
Enfin cédant au feu d'une secrète rage :
Qui peut donc, lui dit-il, qui peut vous inspirer
De ces sons variés la douce mélodie,
Lorsque plongé dans la mélancolie,
Toujours tremblant, à peine osé-je respirer ?
Vous habitez en paix dans l'enceinte des villes,
Vous y coulez des jours gracieux et tranquilles,
En un mot vous semblez plaire aux cruels humains,
Et contre moi sans cesse ils arment tous leurs mains.
Que leur ai-je donc fait pour mériter leur haine ?
Ils ne m'ont jamais vu femme et mère inhumaine
Aveuglément livrée à des transports jaloux
De son fils en morceaux régaler un époux.
Mes forfaits n'ont jamais fait pâlir la lumière,
Du soleil effrayé suspendu la carrière,
Et dans l'ombre à midi replongé l'univers ;
Les vôtres ont produit ces prodiges divers
Et de deuil et d'horreur accablé la nature.
Coupable vous chantez, innocent je gémis :
Du crime seul, hélas ! les dieux sont donc amis.
Pourquoi, reprit Progné, me prodiguer l'injure ?
Déplorez votre sort, accusez-en les dieux ;
Peut-être vous taisant feriez- vous encor mieux.
D'un amour outragé quand je fus la victime
Vous osez de mes maux, méchant, me faire un crime !
L'homme vous hait ; pourquoi pillez-vous ses moissons ?
Comme moi vous pourriez vivre de moucherons ;
Que ne le faites-vous ? mettez-vous en campagne,
D'insectes purgez l'air, et chassez à l'aragne ;
De l'impur vermisseau
Sachez diminuer la nuisible famille ;
De la dévorante chenille
Que vos flancs au printemps deviennent le tombeau ;
Qu'ils deviennent celui du plus petit reptile ;
Enfin au genre humain essayez d'être utile :
Soyez chasseur ardent ou chantre harmonieux,
Vous pouvez l'un ou l'autre, et vous serez heureux.
Aces mots par les airs volant à tire d'aile,
L'active sœur de Philomèle,
Soumise à ses propres avis
S'en alla giboyer pour elle et ses petits.
Qui ne fait rien ou ne sait que mal faire
Dans la société ne saurait que déplaire.

Livre II, fable 10




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