La Fourmi usurière Simon Pagès (17ème siècle)

Une fourmi qui passait pour avare,
Turque, dis-je, arabe, tartare,
Faisait, dans les rudes saisons,
Effrontément une coupable usure,
Lorsque ses sœurs des environs
Vivaient d'emprunt, manquant de nourriture.
Une fourmi, l''usure! ah! vous riez.
Je ne ris pas, lecteur, je fais plutôt la mine,
Quand je me représente, en un temps de famine,
Des usuriers contre qui vous criez
Avec juste raison. Elle fut bien punie,
Heureusement ;
Voici comment :
Que la gent usurière, une fois avertie,
Tire profit de l'avertissement.
Un jour la voisine peuplade
Vers elle envoie une ambassade;
Un orateur fourmi lui fait un beau discours,
Promet un intérêt honnête,
En lui demandant du secours,
Ce mot irrite notre bête ;
Hors des magasins, pour toujours,
Elle vous met toutes ces dames,
Qui criaient, tempêtaient, et jetaient feux et flammes.
La fureur dans le cœur notre ambassade part,
Arrive, fait rapport aux fourmis affamées.
Lorsque du traitement l''ambassade fit part,
De rage on les vit enflammées :
Pour se venger le temps est bien choisi;
En bataillons guerriers elles vont, vers midi,
Faire une excursion chez l'avare usurière.
On pille ses trésors : pour comble de misère,
On l'insulte, on outrage, on lui donne la mort;
On la traîne enfin dans l'ordure,
Pour aggraver les horreurs de son sort.
L'usurier périra victime de l'usure.

Livre II, Fable 14




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