L'Écolier et le Livre Simon Pagès (17ème siècle)

Libre maudit ! comment, pour ici l'on me punit ?
Pour toi tous les jours l'on me gronde ?
Je suis un paresseux, le plus mauvais du monde.
Le doux plaisir m'est interdit.
Ah! tu me croyais l'âme bonne ;
Accroche ce coup de canif.
Attends, attends, que je en donne.
Si sur toi je ne fixe un œil très-attentif,
C'est pour moi nouveau correctif ;
Si le voisin méchamment te déchire,
Ce sont des coups que l'étourdi m'attire.
Tiens, tiens, voila pour les soufflets
Que tu m'as fait donner, ce matin, sur la joue ;
Attrape, tiens pour les arrêts.
Le pauvre livre alors est jeté dans la boue.
D'un écolier malin tu penses qu'on se joue ;
Crac, crac, encore ces feuillets.
Le misérable était à la torture.
Percé, déchiqueté, taché, sans couverture,
Son dernier moment arrivait :
Ce n'était plus qu'un squelette de livre,
Et notre bourreau lui disait :
Va, va, je veux t'apprendre à vivre.
Enfin survient l'inflexible censeur,
Et d'un ton gravement sévère :
Qu'on appelle le correcteur,
Dit-il; le crime est grand, qu'on frappe sans colère.
L'homme terrible frappe, et d'un ton de docteur,
Il répétait, tançant le petit diable :
L'innocent ne doit pas payer pour le coupable.

Livre II, Fable 13




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