Labeur utile meilleur que repos.
Qui vit chez soy des biens de gaing honneste
Sans appeter tiltre d’auctorité,
Il est en grande et ferme seureté,
Plus que celluy qui haultz honneurs aqueste.
La Mouche, en prenant son esbat,
Eut a la Formis ung debat :
Plus quelle noble se disoit,
Comme vile la desprisoit,
Disant : « Tu marches sur la terre,
Et je volle en l'aer par grand erre,
Tu habites en la caverne,
Avec les Roys je me gouverne.
Tu mange bled, avoyne et orge,
Et je me pais a pleine gorge
De viandes delicieuses.
Les belles filles gracieuses
Je baise aussi en mon repos. »
La Formis, rompant son propos,
Luy dict : « Je ne suis point villaine ;
Sy je gaigne ma vie en peine,
Il me suffit, je suis contente ;
Je suis stable, tu es vagante ;
Je mange mes grains en grand paix,
« Et du reste tu te repais.
L’homme prend exemple sur moy,
Mats chascun te chasse de soy ;
L’hyver tu mourras de froidure
Ou de faulte de nourriture.
Sur moy donc ne te glorifie :
Car celluy est fol qui se fie
En son cuyder, et vivre pense
Sans peine, labeur et science. »
Titre original : De la Mouche et de la formis