La Mouche et la Fourmi Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Dame Fourmi voiturait
Grains nouveaux, moisson nouvelle :
Une Mouche au-dessus d'elle,
A tue-tête murmurait,
Et faisait ronfler son aile.
Quel bruit, là haut ! quel fracas !
Dit bientôt la Pourvoyeuse !
Qu'une Mouche est odieuse !
Ne peut-on parler plus bas ?
Tout beau, dit le Volatile,
Ton courroux est inutile :
Chacun fait comme il l'entend.
Le travail te plaît, ma chère ;
Moi, je n'en puis dire autant :
J'ai la tête un peu légère ;
Le bruit est mon élément ;
Et toujours en mouvement,
Je n'ai jamais une affaire.
(Si j'en excepte l'amour,)
(Car des Dieux même il dispose,)
Je pense à très-peu de chose ;
Bret, je vis au jour le jour.
Telle est ma Philosophie :
Ainsi veux-je, allant, venant,
M'étourdir, en bourdonnant,
Sur les peines de la vie.

Cette Mouche parlait bien,
Et fut sage à sa manière.
Jamais on n'arrive à rien,
En forçant son caractère.

Livre IV, fable 17




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