A côté d'un arc détendu
Jasait une Flèche arrogante :
Rends-moi, disait l'impertinente,
Rends-moi le respect qui m'est dû.
Ainsi que moi, quittant la terre,
Atteins-tu le trône des Dieux ?
Ma trace rapide et légère
Se cache et se perd dans les Cieux.
L'Aigle en vain se fie a ses ailes ;
Je le perce au milieu des airs.
Je fends les plaines éternelles,
Et me joue avec les éclairs.
Tais-toi, babillarde caustique,
Répond l'Arc qui n'est pas moins vain :
Dis : sans mon pouvoir élastique,
Pourrais-tu t'ouvrir un chemin,
Et serais-tu si magnifique ?
L'homme, encor plus superbe qu'eux,
Survient pendant cette querelle.
Taisez-vous, dit-il à tous deux ;
Et finissons ce parallèle.
Il vous sied bien d'être orgueilleux !
D 'où peut vous venir ce vertige ?
Lorsqu'il me plaît, je vous dirige ;
Je vous brise, quand je le veux.
En même temps, avec colère,
Il prend l'un et l'autre instrument,
Et sur l'arc qu'il ploie et qu'il tend
Ajuste la flèche légère.
Son coup partait ; mais, à l'instant,
Au bras un moucheron le pique ;
Et la douleur, en s'augmentant,
Jusqu'à la main se communique.
Voilà son faste réprimé ;
Il laisse tomber l'arc terrible ;
Et l'homme se voit désarmé
Par un insecte imperceptible.
L'orgueil humain trouve ici sa leçon :
Je vous prête un appui, j'aurai besoin du vôtre ;
Et dans la grande chaîne il n'est pas un chaînon
Qui ne soit dépendant d'un autre.