On ne peut des mortels arrêter l’appétit ;
Et, lorsque l’estomac réclame,
Tel vend son chien, son chat, tel autre son esprit ;
De tout enfin l’on fait profit.
L’Anglais même, bravant et la honte et le blâme,
Vend, au besoin, jusqu’à sa femme.
À Paris, sur les boulevards,
Vous rencontrez, de toutes parts,
Chiens de salon et chiens de chasse.
Trente francs le basset !
C’est un prix fait,
Pourvu qu’il soit de bonne race.
Marchand de chiens jamais ne vous surfait.
Chez un de ces messieurs, une chienne admirable,
Tout-à-la-fois par sa beauté
Et sa rare fécondité,
De son maître assurait la table.
Elle lui procurait douze chiens tous les ans…
Cela faisait, en bonne arithmétique,
Juste trois cent soixante francs.
Diane, en un pays de saine politique,
Dans la romaine république,
Aurait été, je crois, exempte de l’impôt.
Notre spéculateur n’y voyait pas si haut.
Loin de nourrir la pauvre mère,
A sa faim loin de satisfaire ,
Chaque jour il imaginait
De retrancher quelque chose au potage
Que vers le soir on lui portait.
Qu’arrive-t-il ? Elle se décourage :
La faim, la douleur et la rage
La conduisirent chez Pluton.
M’entendez-vous, suppôts de la finance ?
Ma fable vous présente une sage leçon !
Pour nous conserver l’abondance,
Renoncez quelquefois à la fiscalité :
Garantir au peuple la vie,
En ménageant son industrie,
Peut avoir son utilité.