La Cage Stop (1825 - 1899)

Deux Tourtereaux, au fond d'un bois,
Conjuguaient sous leur toit champêtre
Ce joli verbe qui, je crois,
De tout temps s'est appris sans maître :
Le verbe Aimer ! De ces cœurs innocents
C'était toute la rhétorique,
Et ces mignons petits amants
Dans leurs tendres roucoulements
Se le répétaient en musique :
« Passer ma vie auprès de toi,
Disait l'un, c'est le bien suprême !
— Si l'on te séparait de moi »,
Répondait l'autre, à l'instant même
Je mourrais de douleur ! » Leurs petits becs rosés
Complétaient leurs serments par mille doux baisers.

Cette félicité parfaite
Ne dura guère : le malheur,
Sous la forme d'un oiseleur,
De leurs amours interrompit la fête.
La pauvre Tourterelle, un soir,
Fut prise au piège, mise en cage,
Et portée au noble manoir
D'un châtelain du voisinage.
C'est là que vint la découvrir,
Après mille détours, son Tourtereau fidèle ;
Il fut pris sans chercher à fuir,
Et mis dans la cage avec elle.
Voilà nos deux époux de nouveau réunis ;
Triste bonheur ! Amère ivresse !
Mais, dans l'épanchement de leur double tendresse,
Ils crurent tous leurs maux finis.
Quelque temps se passa ; des nuits et des journées
Le monotone enchaînement
Aux transports du premier moment
Fit succéder l'ennui, fils des longs hyménées.
Il advint qu'on se reprocha
L'un à l'autre son infortune.
L'on se bouda ; l'on se fâcha ;

On fit la paix. avec rancune ;
On se battit un beau matin !
Si le valet J chargé de faire leur ménage,
N'eût oublié de refermer la cage :
C'était, enfin, la liberté!
On partit. mais, hélas ! chacun de son côté.
Tendres amants, qui semblez croire
Qu'il suffit, pour votre bonheur,
D'une chaumière avec un cœur,
Méditez un peu cette histoire.

Fable 14




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