La fauvette en cage Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Une Fauvette, à peine au sortir du berceau,
Fut condamnée à l'esclavage.
On emprisonne hélas ! à la fleur de son âge,
On encage le pauvre Oiseau,
Dont le cœur fut formé pour une autre aventure !
Mainte caresse et maint bonbon
Lui firent oublier les champs et la verdure.
Elle allait quelquefois voltiger au salon,
Rentrait sans peine en sa prison,
Passant ainsi les jours sans joie et sans murmure.
Elle ignorait encor qu'il fût dans la nature
D'autres plaisirs pour les Oiseaux ;
Qu'en d'autres lieux les agiles Fauvettes
S'ébattaient dans les airs, ou faisaient leurs retraites
Sous des ombrages verts fréquentés des Moineaux.
Jamais du Rossignol la voix plaintive et tendre
A son tranquille cœur ne s'était fait entendre.
Un moment perdit tout. Au retour du printemps,
Du côté d'un riant bocage,
Au soleil un beau jour on exposa sa cage.
Ce spectacle inconnu développa ses sens ;
De Philomèle elle entend les accents ;
Elle aperçoit Progné qui se donnait carrière.
L'infortunée alors pousse un premier soupir ;
Elle veut s'envoler et se sent retenir :
Elle comprit enfin qu'elle était prisonnière.
Hélas ! dit-elle, qu'ai-je vu ?
Voilà donc ce que j'ai perdu !
Cruels humains ! pour combler ma misère,
Fallait-il m'étaler un spectacle si beau ?
Tyrans, vous vous jouez de ma douleur amère !
Tandis qu'elle soupire, elle voit un Moineau
Caressant sous l'ombrage une jeune Fauvette.
Ah ! c'en est trop, s'écria la pauvrette,
De mon destin j'ignorais la rigueur ;
Et le bonheur d'autrui manquait à mon malheur !

Livre I, fable 27




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