Le Sourd Stop (1825 - 1899)

Un paysan des environs de Rome
Était devenu sourd — c'était au temps ancien,
Il vit un médecin, soi-disant habile homme,
Qui le drogua, lui prit une assez grosse somme,
Et, naturellement, ne lui fit aucun bien.
Quelqu'un lui dit : Consultez les Sibylles !
— Nos somnambules, on le voit, ne sont
Que de simples contrefaçons
Dupant les mêmes imbéciles.
Dans leur antre on lui fit un philtre merveilleux ;
Il paya, s'en servit, mais n'entendit pas mieux.
Il existait alors à Rome un sanctuaire
Par cent miracles consacré;
Jupiter,, maître du tonnerre,
Était de ce saint lieu le patron vénéré.
Notre homme y fit une neuvaine ;
Le Dieu,, qui par hasard était de bonne humeur,
Répara son tympan et le tira de peine
Sans ordonnance et sans douleur.

Le rustre ne pouvait en croire ses oreilles.
Le voilà, tout joyeux, explorant les merveilles
De la cité bruyante ; il vit les tribunaux,
Au théâtre entendit les ouvrages nouveaux,
Fréquenta le Forum 3 et suivit les séances
Où les gens érudits., donneurs de conférences,
Se font applaudir des badauds.
Un huissier du Sénat, au fait de son histoire,
Lui proposa d'entrer dans l'auguste prétaire ;
L'autre accepta bien vite, et s'assit dans un coin.
Son protecteur l'observait avec soin,
Comptant bien savourer ses naïves surprises ;
Il l'écoute, et soudain surprend cet aparté :
« Ô Jupin, disait-il, rends-moi ma surdité!
J'entends vraiment trop de sottises »

Amis lecteurs, pas de méprises :
Ce n'est pas d'aujourd'hui que ce conte est daté.

Fable 54




Commentaires